Test Produit : Cap au large sur le Neptune

Écrit par : Roméo

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Temps de lecture 5 min

L'APPEL DE LA MER

Dans un monde utopique, il y aurait suffisamment de poissons dans les océans pour satisfaire le plaisir des pêcheurs récréatifs et le besoin de gagner sa croûte des pêcheurs professionnels. Il fut un temps où ça devait être le cas. Un temps bien révolu à présent. 

 

La même passion pour la mer, le large et le poisson les animent, pourtant entre le pro et le plaisancier, cela fait rarement bon ménage. Entre le ligneur qui ne veut pas voir de bateaux traîner autour de ses drapeaux et le pêcheur de maquereau qui grogne en voyant passer un chalutier, chacun essaie de protéger sa part du gâteau en se gardant bien d’inviter les autres pour le dessert. 

EN ROUTE MOUSSAILLON

Il est 20h lorsque nous rejoignons le port Chef de Baie de La Rochelle. Samuel, le gérant de l’Atelier des Gens de Mer, campé sur son ponton, nous accueille d’un grand sourire jovial. 

 

“La chance est avec nous ce soir, la météo est parfaite !” 

 

Et effectivement, ce soir, pas de vent, pas un nuage, seules les étoiles pour nous donner le chemin. Samuel nous présente son fils, Yoann, capitaine du Neptune, un petit chalutier polyvalent de 12m, et son matelot Flavien, la clope au bec. 

 

On grimpe à bord. 


L’idée est de tester l’imperméabilité et la résistance des imperméables VAREK en conditions réelles. Alors quoi de mieux que de les faire porter par des marins pêcheurs ?

LES PREMIERS PAS DANS LA PEAU D'UN MARIN pêcheur

Chacun s’équipe, Yoann et Flavien sont ravis d’enfiler leur nouvelle peau et nous larguons les amarres. 


C’est la première fois que j’embarque sur un bateau de pêche professionnel. Il y règne une atmosphère bien particulière. Le bruit déjà. Les turbines du moteur tournent dans un boucan du diable qui nous accompagnera toute la nuit. Des caisses en plastique imprégnées d’écailles s’empilent sur le pont et l’odeur de poisson vient vous brûler la gorge. 

 

Victor, Côme et moi, on ne sait pas trop où se mettre, on reste là, debout sous l’énorme roue en métal dans laquelle s'enroulent les mailles de la drague. Malgré la fraîcheur de la nuit, on se sent presque étouffé sur le pont, l’air ne circule pas, le bateau grince, les cordages claquent et cette odeur… 

Sentant sûrement notre malaise, Yoann nous propose un verre de pineau. Ça va tout de suite beaucoup mieux. 


Il nous expose ensuite son plan de pêche de la soirée. En ce moment, les seiches se regroupent dans le pertuis breton et les dorades grises sont présentes en grand nombre. On va tenter 3 coups de chalut. Si la nuit est bonne on peut s’attendre à sortir environ 300 kilos de poisson. 


Pour nous, petits pêcheurs à la canne, ces chiffres donnent le tourni. Nous passons sous les lampadaires du pont de l’île de Ré avant de gagner le pertuis entre l’île et le continent. Le gros tambour s'emballe enfin et les premiers mètres de maille s’enfoncent dans les eaux noires à l’arrière du bateau. Deux grosses pales de métal le suivent de près, elles seront dirigées par Yohann et permettront de maintenir ouvert le chalut. Nous sommes partis pour 2h de traict. 

Coup de Chalut N°1

On s’assoit, on boit quelques canons, on fume, on regarde la mer et on apprend surtout à mieux connaître ce joyeux équipage. Yoann a 23 ans, il est le propriétaire du bateau et savoure son indépendance. Flavien lui, après avoir écumé les mers au cours de campagnes de pêche au large, a choisi de venir épauler son copain d’enfance dans cette belle aventure. Samuel le père, ancien marin pêcheur,  regarde fièrement son fils avec ce sentiment d’avoir enfin passé le flambeau.

On comprend surtout toute la difficulté que représente ce métier. Les nuits sans sommeil, le confort inexistant, l’effort physique constant… On comprend tout ça alors que la mer est d’huile et que nous n’avons même pas encore remonté le premier coup de filet. 

 

Yoann et Flavien travaillent 6 jours sur 7 (ou nuit) et s’accordent 2 semaines de vacances par an. Leur vie dépend du résultat de leur pêche, de la pochée comme ils disent. C’est aussi simple que ça et ça nous fait grandement relativiser.

Il est enfin temps de virer ! Le treuil se met en route et lentement l’enrouleur avale des mètres de filet, les spots éclairent le train du bateau et les mouettes s’affolent. Les cordages brillent sur la grande roue de métal et je me rends compte que c’est en fait des milliers de micros poissons qui finissent broyés par la maille. 

La masse sombre et grouillante est levée hors de l’eau et une grande poche en forme de goutte se balance maintenant au-dessus du pont. D’un geste expert, Flavien tire sur le bout en dessous et le chalut dégueule enfin ses prises dans un flot d'écailles et de scintillements. 

Il est temps de s’activer, déjà tous trempés, il faut maintenant trier notre butin et rejeter à l’eau les poissons trop petits pour être gardés. Je suis assez étonné de voir que les petits bars et petites dorades sont en pleine forme et peuvent repartir grandir sans problème. Des caisses de grosses dorade grises sont remplies, le pont se couvre de noir à mesure que les seiches crachent leur encre et les gros bars sont saignés pour une meilleure conservation. 

Après 2h d’attente, c’est l’effervescence sur le bateau, tout le monde met la main à la pâte et Yohann à l’air plutôt content de son premier coup. 

L'ATTENTE JUSQU'AU BOUT DE LA NUIT

Passé la demi heure d’excitation, l’euphorie retombe, le chalut est remis à l’eau et il faut de nouveau attendre sous les vrombissements incessants du moteur. La fatigue emporte Samuel et Flavien qui partent s’allonger sur les couchettes pour le premier tour de garde de Yoann. De notre côté, il faut se débrouiller avec les moyens du bord. Victor s'endort dans une caisse et je m’allonge à même le pont dans une vieille couverture qui pue la sardine… La nuit va être longue. 

Par deux fois encore nous treuillons le chalut avec l’espoir d’avoir touché cette fois le vrai jackpot. 

 

Je me rends compte finalement, que ce soit pour les pêcheurs récréatifs ou les pros, que l’excitation au moment de remonter sa ligne est la même. 

 

Nous suivons le ballet des mailles qui s’enroulent inlassablement sur le tambour avant d’apercevoir enfin le poisson bouillonnant. 

 

Le soleil a fini par se lever au loin derrière l’île de Ré mais le coup de filet magique tant attendu n’aura finalement pas eu lieu. Toujours autant d’encre, toujours autant d’écailles, mais pas de miracle. Devant nous, un collègue de Yohann remonte ses casiers à seiche dans une véritable marée noire. Visiblement pour lui, la pêche a été bonne. 

 

 

De notre côté, il faut maintenant rejoindre le port et la criée de la Rochelle, un espèce de frigo géant où Yoann pourra peser et magasiner son poisson. La pêche fut moyenne, même si pour ma part je n’avais jamais vu autant de bars, dorades et seiches dans un bateau. 


Je suis exténué, Victor ne parle plus et Côme a les yeux qui tombent. Le courage de ces marins pêcheurs m’impressionne. Je crois bien m’être essayé à l’un des plus durs métiers du monde et rien que pour cela, ces gars-là ont tout mon respect. 


Cette expérience nous aura permis d’appréhender différemment le monde de la pêche professionnelle. Nous en ressortons avec un regard nouveau, un avis bien plus modéré sur cette activité qui a finalement le même objectif que nous, préserver au maximum la ressource qui les fait vivre. 


Aujourd’hui, Yoann a revendu son chalutier pour devenir ligneur, un autre métier où l’on vend un poisson plus frais, moins stressé et mieux conservé. Une pratique encore plus responsable de la pêche pro. La saison démarre à la rentrée 2024 et j’ai déjà hâte de partir l’accompagner…